in choro bestiarum / volet 2, en voie d’apparition

22 octobre 2023 | |


Avec les artistes -dans un savant ordre aléatoire- :
• Muriel Baumgartner • Viougeas Denis • Geoffroy Laurence • Khazarian Pierre • Draisey Anne-Laure • Boillot Pascale • Saltron Mireille • Besson Olivier • Alonso Gloria • Panaud Isabelle • Grall Nathalie • Hamey Didier • Abiven Isabelle • Lodge Jean •  de Nubes Juan • Olsson Jan • Borel Jerôme • Fanjul Claire • Roux Aurélie • Sigg Ivan • Desmasures Véronique • Barthélemy-Sibi Sarah • Harlé-Ferraz Fabrice • Schouler Fabienne • Gourcerol Isabelle • Querrien Guillaine • Uribe Mercedes • Gourichon Aude • Jankowski Toma • Murail Véronique • Jeanne Rebillaud • Lestiennes Cedric • Sztuka Marie-Liesse • Lesgourgues Caroline • Desmaz • Vanderveken Dominique • Meller Kristin  • Salmon Julie • Wenhui Li • Paul Céline • Cassenti Sarah
• Geoffroy Dechaume Isabelle 

 

Et les œuvres récentes de notre  plasticien -invité d’honneur- :

Benjamin Bondonneau…

 

in choro bestiarum volet 2 / en voie d’apparition…
vu par Jean-Marie Marandin / Linguiste et graveur

Le 20 mai 1515 apparut à Lisbonne le rhinocéros. C’était un cadeau envoyé par un sultan du Gujerat au roi portugais. Sur la foi d’une brève description et d’un croquis, Dürer en fit un dessin et une gravure. Sur la foi de ce qui se disait à l’époque, il en fit une chimère. Il orna l’encolure de l’animal d’une dent de Narval car certains pensaient que le rhinocéros indien avec son unique corne sur le nez pouvait être une licorne. Il le couvrit de plaques ressemblant à une armure métallique car, depuis Pline l’Ancien, on voyait le rhinocéros comme le seul animal capable de s’attaquer victorieusement à l’éléphant. Dürer venait de donner corps à ce que le philosophe des sciences, Hilary Putnam, appelle un stéréotype : le stéréotype du rhinocéros.
Un stéréotype associe des caractères que l’on peut observer à des éléments de croyance relevant du savoir commun. Ce sont les stéréotypes qui permettent aux locuteurs de reconnaître et de nommer les choses du monde, et d’en parler. Ce sont eux aussi qui permettent de reconnaître ou de fabriquer une image qui les représente.
L’Europe découvrait le monde : elle inaugurait le grand livre de ce qu’elle appelle la nature. Elle y accumula les descriptions qui devinrent de plus en plus précises ; les dessinateurs et les graveurs inventèrent les manières de donner figure à ces descriptions. C’était les prémices de l’anthropocène, c’était un temps d’innocence, de jouissance et de sublimation par l’art et la science, mais aussi de prédation, de violence et de brutalité.
Puis, l’industrialisation et la globalisation capitaliste se sont déchaînées sapant les conditions de la vie sur terre : de nos jours, les espèces disparaissent – les plus chanceuses survivent dans les livres des naturalistes –, on compte les individus survivants des espèces en voie d’extinction et on peut craindre que le temps ne manque aux espèces supérieures pour évoluer et s’adapter aux nouvelles conditions physico-chimiques terrestres.
A contre-courant et avec aplomb, les artistes de La Taille & Le Crayon se sont emparés du texte de Raphaël Saint-Rémy : Des espèces en voie d’apparition. Saint-Rémy décrit l’émergence d’entités qui mêlent attributs humains (elles sont douées de conscience et d’un langage intérieur) et caractères non-humains qui relèvent de divers ordres : animal, végétal et minéral. Elles ne sont pas structurées comme des organismes, mais comme des agglomérats dynamiques de formes, de sensations, de représentations et de fonctions. Par exemple, il n’est pas possible pour décrire l’alcal, une des espèces découvertes par Saint-Rémy, de distinguer « entre membres et organes, son corps n’étant toujours qu’une somme d’appendices peu dissemblables les uns des autres, et partageant la même absence de fonction. ». La plupart de ces espèces ne connaissent pas les rigueurs de la pesanteur terrestre et leur développement n’est pas soumis aux mécanismes de la sélection naturelle. De plus, leur description échappe à tous les principes de la logique. En particulier, au principe de non-contradiction : « le Boucou est à la fois un corps et une absence de corps ».
Si une espèce en voie d’apparition était un concept philosophique, ce serait celui de corps sans organe proposé par Guattari et Deleuze. Si elle était une figure de l’inconscient, elle aurait la nature du rêve. Si elle était une entité naturelle, elle appartiendrait à un monde parallèle à notre monde actuel. Si elle était un dessin ou une gravure, ce serait …, non, c’est un des dessins ou des gravures de la fresque que déroulent les artistes de La Taille & Le Crayon sur les murs de la Fondation Taylor. Elle prend place, de façon paradoxale, dans la longue histoire du compagnon-nage des dessinateurs et des graveurs avec les curieux des choses du monde, les explorateurs du vivant et les naturalistes avides de l’objectiver par l’image.
La fresque mêle des chimères et des entités inspirées du texte de Saint-Rémy. Il en émane un sentiment d’exubérance. C’est l’exubérance du vivant quand on donne libre cours aux combinatoires qui le structurent. Au jeu du hasard et de la nécessité qui donne naissance et forme à tout ce qui vit.

Jean-Marie Marandin – Linguiste et graveur

 

NB Le second volet de cette exposition « In choro Bestiarum » fait suite à un appel à projets diffusé il y a un an, invitant nos adhérents et invités  dessinateur.e.s et graveur.e.s à participer à cette création, sur les bases du texte de Raphaël Saint Rémy qui recense plus de 130 espèces dans son ouvrage « Des espèces en voie d’apparition » éditions l’Oscillographe/2023. Plus de 40 d’entre vous ont accepté de jouer le jeux en donnant forme, âme ou profil, à une-deux espèces inspirées directement ou indirectement des textes de Raphaël Saint Rémy, auteur prolifique et inépuisable. Ce second volet montre le résultat de leurs recherches, dessins, gravures, esquisses,
Il s »agit ici une carte blanche, sans comité de sélection : votre auto-évaluation et la confiance envers vos propres invités feront la qualité de l’exposition que nous présentons du 2 au 25 Novembre 2023 dans le splendide espace de l’Atelier de la fondation Taylor, fraichement rénové. Nous sommes soutenus par la Fondation Taylor, institution bienveillante qui nous accompagne depuis plus de vingt ans…


in choro bestiarum / premier volet du 24 novembre au 17 décembre 2022

12 août 2022 |

« Pieuvre » lithographie, 2022 © Quentin Garel
courtoisie galerie L.J -12 tue Commines – 75003 Paris

Notre prochaine exposition « La Taille et le Crayon » accueillie par la Fondation Taylor dans « l’atelier »

IN CHORO BESTIARUM

sur la représentation des animaux

réunira une vingtaine d’artistes travaillant autour de cette thématique,
Invité d’honneur ; Quentin Garel, dessin, sculpture, lithographie
commissaires d’exposition Catherine Saltiel / Carlos Lopez
Avec, en ordre aléatoire :

• François Cayol, dessin gravure • Nelly Stetenfeld, gravure/eaux fortes • Camille Pozzo di Borgo, gravure pointe sèche • Sylvie Abelanet, gravure/estampes • Laurence Geoffroy, monotypes • Estelle Vincent, dessin-pastels • Julianna Salmon, gravure taille d’épargne • Marie Liesse Sztuka gravure eau-forte aquatinte • Wenhui Li, lithographie / modelage • Benjamin Bondonneau, collage, estampe, dessin musique et techniques mixtes… • Claire Franjul, dessin cosmographiques sur boules de tilleul • Olivier Besson, dessin/gravure • Agnes Rosse, dessin/interventions • Pascale Boilot, gravures taille d’épargne / dessins à l’encre • Lyonel Sabaté, dessin techniques mixtes • Pierre Khazarian, gravure • Sylvain Salomovitz pour son livre collectif « bestiaire urbain »•


Le mot du président 2022

29 mars 2022 |

Nous avons vécu et continuons a vivre un retour à l’action, cependant nous en ressentons les à-coups, mais cette période ralentie ces deux dernières années- nous a fait perdre deux ans d’énergie de projets et d’élan, (ou ils auront été pour le moins beaucoup retardés). Nous ne serons pas dans l’optimisme béat des découvertes de bricoleurs du confinement. Cependant, nous sommes heureux que le secteur culturel et artistique, dont nous faisons partie se remette remis a échanger avec des projets «à plein temps».

J’ai souhaité également rappeler nos fondamentaux ; en effet depuis plus de 20 ans l’association « La Taille & Le Crayon » recense, expose et accompagne les artistes graveurs et dessinateurs, éclairant les rapports multiples qui unissent ces deux disciplines auxquelles s’ajoutent -occasionnellement- peinture sculpture céramique… et bientôt musique. En effet nos disciplines sont objet de connaissance et objet de civilisation, elles ne fonctionnent pas en boucle, disciplines autonomes flottant dans l’éther créateur. Nous sommes appuyés dans cette démarche d’accompagnement par la Fondation Taylor, qui soutient notre action par sa présence discrète et son aide bienveillante, depuis notre création.

Notre Association «La Taille & Le Crayon» n’est pas exclusivement une réunion d’artistes, regroupés a des fins de facilités logistiques et auto-promotionnelles, elle regroupe amateurs*, artistes, professionnels des arts, praticiens, galeristes, critiques et érudits, et ainsi tente de rassembler tous les regards qui convergent vers nos disciplines : c’est ce qui fait notre spécificité; dans notre association les artistes invités et exposés chaque année sont élus en collégiale sur proposition du groupe de travail, nous souhaitons ainsi donner une garantie d’indépendance, de libre choix, d’ouverture, et pousser une démarche de recherche dans les thématiques d’exposition proposées. Celles-ci regroupent aussi bien de jeunes talents que des artistes émergents ou au sommet de leurs disciplines… Ainsi adhérer signifie collaborer a une entraide, une écoute et une attention à autrui.
Une exposition annuelle, documentée, illustre cette recherche. Les suites et le succès obtenu pour les artistes exposés jusqu’à aujourd’hui démontrent le bien fondé de cette démarche. 
Le magnifique cadre de l’atelier, au dernier étage de la fondation, valorise nos propositions, ainsi mises en scène dans cet espace exceptionnel. 
Nous accueillerons bientôt une dizaine d’artistes, ce mois de novembre, pour la prochaine thématique « Bestiaires contemporains » en cours de réflexion, reflet d’une préoccupation contemporaine -et sans âge- : la représentation de la nature, et ici particulièrement dans les contradictions et les rapport que nous tissons et entretenons entre nature, culture et société. Souhaitant pouvoir vous proposer ce rendez-vous en toute sérénité, -un rendez-vous lié aux conditions sanitaires en cours à ce moment- je vous invite à nous suivre sur les sites de l’association comme sur celui de la Fondation Taylor .

Carlos Lopez président de l’association, aux cotés de Claude Bouret et Yves Dodeman, respectivement fondateur/ président honoraire et co-Président.

*(…) ces amateurs inappréciables qui, s’ils ne créaient pas les œuvres mêmes, en créaient la véritable valeur (…)

P. Valéry, Regards sur le monde actuel,1931, p. 241.

Adhésions 2022


nature contre nature

22 novembre 2021 |

• SARAH BARTHÉLÉMY-SIBI • CAROLINE BOUYER • PAULINE BRAMI •
• MARÍA CHILLÓN • CHRYSAV • CEDRIC LE CORF • HÉLÈNE DAMVILLE •
• VÉRONIQUE DESMASURES • PAOLA DIDONG • JEAN LODGE •
• IRIS MIRANDA • GUILLAINE QUERRIEN • FABIENNE SCHOULER •

Visuel Claire Illouz, Antipode H / Eau-forte, monotype / 28 x 21 cm
 

Contre-nature signifie ici recherche de complémentarités, de partages inédits entre nous et les choses.
Le trait promeut, non le paysage, mais la forme végétale – écorce, lichen, racine, rhizome, branche, mousse, feuille – aussi bien que la forme animale ou minérale, et refuse toute compromission avec le brouillage et la rature qui ont pu hanter le dessin et la gravure.
C’est ce refus d’idéalité qui donne jusqu’au trouble le sentiment d’une nature enfin délivrée de la toute-puissance de l’homme. Présente dans nombre d’œuvres, la fragmentation métonymique du donné sensible réussit en effet à rendre la plénitude de la matière organique, sans jamais s’exténuer dans une quelconque nostalgie de la totalité.
C’est donc à d’étranges rencontres avec la nature que nous convient les dessins, les gravures et les sculptures de cette exposition.
Loin de rétrécir le visible, ces œuvres donnent à voir l’ombre portée du monde sensible et son irrémédiable densité.
Elles sont autant de tentatives de ne plus dessiner ou peindre «d’après nature» mais avec la nature.
Pour y parvenir, les artistes n’ont pas cherché à domestiquer par le trait ou la pointe la nature, mais ont préféré s’adosser à elle, afin de faire de la ligne, de la découpe, du tissage ou du froissé, l’instrument d’un redoublement productif.
Ils ont choisi de se situer au plus près du monde végétal et de son foisonnement horizontal, d’aller à la rencontre des talus et des crêtes qui offrent au regard leur verticalité improbable, d’hybrider le matériau végétal et la matière minérale, de pourchasser le souvenir d’une forme ligneuse ou d’un insecte en vol.

Michel de Fornel / 2021

© Michel de Fornel, Directeur d’Études à l’EHESS
École des Hautes Études en Sciences Sociales.
visuel Claire Illouz « Antipode H » Eau Forte / monotype

Une pensée pour Claude Bouret

22 novembre 2021 |


2021, un dimanche… par une fraiche journée de novembre, Claude Bouret nous a quittés, nous laissant dans l’émotion de cette brusque disparition.
L’association la Taille et le Crayon lui doit vingt années de fidélité, de ténacité, de courage et de passion, passées à courir les ateliers, découvrir les œuvres, encourager et accompagner les artistes, co-organiser puis superviser nos expositions… Nous sommes nombreux à partager cette perte, auprès de ses camarades de la première heure comme auprès de sa famille, et nombreux qui resterons attachés à sa vision sensible et érudite, à son plaisir des belles choses, comme à ses longues digressions, accompagnées des meilleures pages de Paul Valéry qu’il aimait citer et à son jugement éclairé sur tout ce que la gravure et le dessin comptent de passionnés, d’érudits et d’amateurs.
Ce qui était jusqu’à présent une continuité de son effort devient aujourd’hui une œuvre qu’il nous lègue, que nous avons la mission et le devoir de poursuivre…

Un film de Théodore Bouret  :
Remise de Prix de l’association Le Bois gravé à la Fondation Taylor.
RUSH & CUT